Message posté par : Yves EGELS
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Ça n'est plus un forum, ça devient un roman... Les modérateurs vont finir par me
blacklister!
Le tachéomètre a servi à faire des points de calage des scans laser, et pas à modéliser la
banquise. A l'époque, les scanners terrestres (Mensi dans ce cas) étaient assez lents,
et les calmes météos aléatoires. Je faisais donc le réseau micro-géodésique au taché en
centrage forcé sur pieds fixes (il suffit d'arroser, le pied gèle, c'est fixé)
pendant que le scanner tournait ailleurs. Pas de risque qu'on me vole le matériel,
j'étais tous seul! Les points de calage étaient boules de piscine de 5cm, plantées sur
des baguettes de bambou au milieu d'un sac poubelle noir. les sacs poubelle servent à
tout, au pole, par exemple à baliser la piste d'atterrissage de l'avion (Antonov
74). Quant aux baguette de bambou, munies d'un petit drapeau, elles servent de repère
pour retrouver le camp de base dans le mauvais temps, la visibilité pouvant tomber à zéro
en quelques minutes (vital!).
En faisant la topo de cette manière, je me suis vite rendu compte que tout espoir de
précision (J-L Etienne m'avait demandé le centimètre) était totalement vain. Au début
de chaque séance de mesure, les embases étaient complètement débullées, la glace, composée
de blocs broyés et ressoudés les uns aux autres, n'est absolument pas rigide. Et un
matin (il n'y a pas de matin mais on fait comme si), mon glaçon était séparé en deux
morceaux par une fracture de 30cm de large. Attention de ne pas tomber à l'eau, il y a
4000m de fond! Donc on fait au mieux.
Quant au laser aérien, envoyer un avion équipé au pôle, ce n'était pas dans les moyens
de la mission (la piste la plus proche est à Longyearbean, 78° de laltitude, environ
1300km). L'Antonov 74 n'est pas équipé pour ce genre de mission. Et en 2007, les
drones n'étaient pas ce qu'ils sont maintenant, et surtout il n'y avait pas de
lidar adaptable.
Concernant la polaire, au pole, il fait jour d'équinoxe à équinoxe, le soleil est à
hauteur constante (11° quand j'y étais). La mission avait effectivement lieu en Avril,
avant il fait nuit, après, la glace se fragmente et il devient impossible d'atterrir
en avion. Mais la polaire est visible au taché de jour, car la luminosité est assez
faible. Par contre, comme elle est au zénith, pas facile de viser!
La boussole : je n'en avais pas pris, elle indique la direction du canada, où je
n'avais pas l'intention d'aller. Et comme les lignes de champ sont
quasi-verticales, l'aiguille touche le cadran. Pas pratique. Plein de trucs ne sont
pas pratiques : par exemple, j'avais pris deux tachés (le SAV est loin du pôle, et il
n'y a pas de téléphone). l'un d'eux, tout moderne, m'avait été prêtè par
l'importateur moyennant photos publicitaires. Il était équipé d'un superbe écran
tactile couleur, placé juste devant mon nez. Au bout de 10 secondes, illisible couvert de
glace (comme mes lunettes avec le masque Covid), quand on essaie de nettoyer avec les
gants, ça clique partout... inutilisable!
Logistique :
Pour le matériel : il faut tout prévoir, en double, éventuellement en triple pour
l'indispensable (batteries par exemple). Tout tester avant le départ, et retester au
Spitzberg, où on peut encore avoir un peu de logistique. Et bien connaitre son métier pour
pouvoir improviser en cas de problème. J'avais même prévu une séances de tests du
scanner dans l'entrepôt frigorifique d'un distributeur de produits surgelés, mais
il est sorti trop tard de maintenance constructeur.
Campement Russe (et rustique!).
http://campbarneo.com/ L'eau froide est payante (1€ le
quart de litre), mais l'eau chaude du samovar est gratuite. Il suffit de laisser
refroidir! On peut (doit) tenir deux semaines sans se laver. Ambiance rude, mais
inoubliable. C'est pas tous les jours qu'on travaille avec Jean-Louis Etienne
(voir JLE, 30 ans d'expéditions, p333). Découragement quand le temps ne permet pas de
sortir pendant un semaine, quand la piste se fend en deux, que le bulldozer qui doit
refaire la piste coule, que le pilote du retour fait sortir tous les bagages (et le
matériel) sur la piste pour décoller son biréacteur sur 300m, en disant "on verra si
on peut revenir les rechercher". Mais le plaisir d'être seul dans cette immensité
blanche, de voir le relevé se construire petit à petit. Et dire que dans quelques années,
tout cela n'existera plus, il n'y aura plus que de l'eau (et pas mal de
forages pétroliers)
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